Article 5

Pratiques interdites en matière d’IA

1.   Les pratiques en matière d’IA suivantes sont interdites:

a)

la mise sur le marché, la mise en service ou l’utilisation d’un système d’IA qui a recours à des techniques subliminales, au-dessous du seuil de conscience d’une personne, ou à des techniques délibérément manipulatrices ou trompeuses, avec pour objectif ou effet d’altérer substantiellement le comportement d’une personne ou d’un groupe de personnes en portant considérablement atteinte à leur capacité à prendre une décision éclairée, amenant ainsi la personne à prendre une décision qu’elle n’aurait pas prise autrement, d’une manière qui cause ou est raisonnablement susceptible de causer un préjudice important à cette personne, à une autre personne ou à un groupe de personnes;

b)

la mise sur le marché, la mise en service ou l’utilisation d’un système d’IA qui exploite les éventuelles vulnérabilités dues à l’âge, au handicap ou à la situation sociale ou économique spécifique d’une personne physique ou d’un groupe de personnes donné avec pour objectif ou effet d’altérer substantiellement le comportement de cette personne ou d’un membre de ce groupe d’une manière qui cause ou est raisonnablement susceptible de causer un préjudice important à cette personne ou à un tiers;

c)

la mise sur le marché, la mise en service ou l’utilisation de systèmes d’IA pour l’évaluation ou la classification de personnes physiques ou de groupes de personnes au cours d’une période donnée en fonction de leur comportement social ou de caractéristiques personnelles ou de personnalité connues, déduites ou prédites, la note sociale conduisant à l’une ou l’autre des situations suivantes, ou aux deux:

i)

le traitement préjudiciable ou défavorable de certaines personnes physiques ou de groupes de personnes dans des contextes sociaux dissociés du contexte dans lequel les données ont été générées ou collectées à l’origine;

ii)

le traitement préjudiciable ou défavorable de certaines personnes ou de groupes de personnes, qui est injustifié ou disproportionné par rapport à leur comportement social ou à la gravité de celui-ci;

d)

la mise sur le marché, la mise en service à cette fin spécifique ou l’utilisation d’un système d’IA pour mener des évaluations des risques des personnes physiques visant à évaluer ou à prédire le risque qu’une personne physique commette une infraction pénale, uniquement sur la base du profilage d’une personne physique ou de l’évaluation de ses traits de personnalité ou caractéristiques; cette interdiction ne s’applique pas aux systèmes d’IA utilisés pour étayer l’évaluation humaine de l’implication d’une personne dans une activité criminelle, qui est déjà fondée sur des faits objectifs et vérifiables, directement liés à une activité criminelle;

e)

la mise sur le marché, la mise en service à cette fin spécifique ou l’utilisation de systèmes d’IA qui créent ou développent des bases de données de reconnaissance faciale par le moissonnage non ciblé d’images faciales provenant de l’internet ou de la vidéosurveillance;

f)

la mise sur le marché, la mise en service à cette fin spécifique ou l’utilisation de systèmes d’IA pour inférer les émotions d’une personne physique sur le lieu de travail et dans les établissements d’enseignement, sauf lorsque l’utilisation du système d’IA est destinée à être mise en place ou mise sur le marché pour des raisons médicales ou de sécurité;

g)

la mise sur le marché, la mise en service à cette fin spécifique ou l’utilisation de systèmes de catégorisation biométrique qui catégorisent individuellement les personnes physiques sur la base de leurs données biométriques afin d’arriver à des déductions ou des inférences concernant leur race, leurs opinions politiques, leur affiliation à une organisation syndicale, leurs convictions religieuses ou philosophiques, leur vie sexuelle ou leur orientation sexuelle; cette interdiction ne couvre pas l’étiquetage ou le filtrage d’ensembles de données biométriques acquis légalement, tels que des images, fondés sur des données biométriques ou la catégorisation de données biométriques dans le domaine répressif;

h)

l’utilisation de systèmes d’identification biométrique à distance en temps réel dans des espaces accessibles au public à des fins répressives, sauf si et dans la mesure où cette utilisation est strictement nécessaire eu égard à l’un des objectifs suivants:

i)

la recherche ciblée de victimes spécifiques d’enlèvement, de la traite ou de l’exploitation sexuelle d’êtres humains, ainsi que la recherche de personnes disparues;

ii)

la prévention d’une menace spécifique, substantielle et imminente pour la vie ou la sécurité physique de personnes physiques ou d’une menace réelle et actuelle ou réelle et prévisible d’attaque terroriste;

iii)

la localisation ou l’identification d’une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction pénale, aux fins de mener une enquête pénale, d’engager des poursuites ou d’exécuter une sanction pénale pour des infractions visées à l’annexe II et punissables dans l’État membre concerné d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté d’une durée maximale d’au moins quatre ans.

Le premier alinéa, point h), est sans préjudice de l’article 9 du règlement (UE) 2016/679 pour le traitement des données biométriques à des fins autres que répressives.

2.   L’utilisation de systèmes d’identification biométriques à distance en temps réel dans des espaces accessibles au public à des fins répressives en vue de la réalisation de l’un des objectifs énumérés au paragraphe 1, premier alinéa, point h), n’est déployée aux fins énoncées audit point, que pour confirmer l’identité de la personne spécifiquement ciblée et tient compte des éléments suivants:

a)

la nature de la situation donnant lieu à un éventuel recours au système, en particulier la gravité, la probabilité et l’ampleur du préjudice qui serait causé si le système n’était pas utilisé;

b)

les conséquences de l’utilisation du système sur les droits et libertés de toutes les personnes concernées, notamment la gravité, la probabilité et l’ampleur de ces conséquences.

En outre, l’utilisation de systèmes d’identification biométriques à distance en temps réel dans des espaces accessibles au public à des fins répressives en vue de la réalisation de l’un des objectifs énumérés au paragraphe 1, premier alinéa, point h), du présent article respecte les garanties et conditions nécessaires et proportionnées en ce qui concerne cette utilisation, conformément au droit national qui l’autorise, notamment eu égard aux limitations temporelles, géographiques et relatives aux personnes. L’utilisation du système d’identification biométrique à distance en temps réel dans des espaces accessibles au public n’est autorisée que si l’autorité répressive a réalisé une analyse d’impact sur les droits fondamentaux conformément à l’article 27 et a enregistré le système dans la base de données de l’UE prévue par l’article 49. Toutefois, dans des cas d’urgence dûment justifiés, il est possible de commencer à utiliser ces systèmes sans enregistrement dans la base de données de l’UE, à condition que cet enregistrement soit effectué sans retard injustifié.

3.   Aux fins du paragraphe 1, premier alinéa, point h), et du paragraphe 2, chaque utilisation à des fins répressives d’un système d’identification biométrique à distance en temps réel dans des espaces accessibles au public est subordonnée à une autorisation préalable octroyée par une autorité judiciaire ou une autorité administrative indépendante dont la décision est contraignante de l’État membre dans lequel cette utilisation doit avoir lieu, délivrée sur demande motivée et conformément aux règles détaillées du droit national visées au paragraphe 5. Toutefois, dans une situation d’urgence dûment justifiée, il est possible de commencer à utiliser ce système sans autorisation à condition que cette autorisation soit demandée sans retard injustifié, au plus tard dans les 24 heures. Si cette autorisation est rejetée, il est mis fin à l’utilisation avec effet immédiat, et toutes les données, ainsi que les résultats et sorties de cette utilisation, sont immédiatement mis au rebut et supprimés.

L’autorité judiciaire compétente ou une autorité administrative indépendante dont la décision est contraignante n’accorde l’autorisation que si elle estime, sur la base d’éléments objectifs ou d’indications claires qui lui sont présentés, que l’utilisation du système d’identification biométrique à distance en temps réel concerné est nécessaire et proportionnée à la réalisation de l’un des objectifs énumérés au paragraphe 1, premier alinéa, point h), tels qu’indiqués dans la demande et, en particulier, que cette utilisation reste limitée au strict nécessaire dans le temps et du point de vue de la portée géographique et personnelle. Lorsqu’elle statue sur la demande, cette autorité tient compte des éléments visés au paragraphe 2. Aucune décision produisant des effets juridiques défavorables à l’égard d’une personne ne peut être prise sur la seule base de la sortie du système d’identification biométrique à distance «en temps réel».

4.   Sans préjudice du paragraphe 3, toute utilisation d’un système d’identification biométrique à distance en temps réel dans des espaces accessibles au public à des fins répressives est notifiée à l’autorité de surveillance du marché concernée et à l’autorité nationale chargée de la protection des données, conformément aux règles nationales visées au paragraphe 5. Cette notification contient, au minimum, les informations visées au paragraphe 6 et n’inclut pas de données opérationnelles sensibles.

5.   Un État membre peut décider de prévoir la possibilité d’autoriser totalement ou partiellement l’utilisation de systèmes d’identification biométriques à distance en temps réel dans des espaces accessibles au public à des fins répressives, dans les limites et les conditions énumérées au paragraphe 1, premier alinéa, point h), et aux paragraphes 2 et 3. Les États membres concernés établissent dans leur droit national les règles détaillées nécessaires à la demande, à la délivrance et à l’exercice des autorisations visées au paragraphe 3, ainsi qu’à la surveillance et à l’établissement de rapports y afférents. Ces règles précisent également pour quels objectifs énumérés au paragraphe 1, premier alinéa, point h), et notamment pour quelles infractions pénales visées au point h), iii), les autorités compétentes peuvent être autorisées à utiliser ces systèmes à des fins répressives. Les États membres notifient ces règles à la Commission au plus tard 30 jours après leur adoption. Les États membres peuvent adopter, conformément au droit de l’Union, des lois plus restrictives sur l’utilisation de systèmes d’identification biométrique à distance.

6.   Les autorités nationales de surveillance du marché et les autorités nationales chargées de la protection des données des États membres qui ont été notifiées de l’utilisation de systèmes d’identification biométriques à distance en temps réel dans des espaces accessibles au public à des fins répressives, conformément au paragraphe 4, soumettent à la Commission des rapports annuels sur cette utilisation. À cette fin, la Commission fournit aux États membres et aux autorités nationales en matière de surveillance du marché et de protection des données un modèle comprenant des informations sur le nombre de décisions prises par les autorités judiciaires compétentes ou par une autorité administrative indépendante dont la décision est contraignante en ce qui concerne les demandes d’autorisation conformément au paragraphe 3, ainsi que sur leur résultat.

7.   La Commission publie des rapports annuels sur l’utilisation de systèmes d’identification biométriques à distance en temps réel dans des espaces accessibles au public à des fins répressives, fondés sur des données agrégées dans les États membres sur la base des rapports annuels visés au paragraphe 6. Ces rapports annuels n’incluent pas de données opérationnelles sensibles sur les activités répressives connexes.

8.   Le présent article ne porte pas atteinte aux interdictions qui s’appliquent lorsqu’une pratique en matière d’IA enfreint d’autres dispositions du droit de l’Union.

Frequently Asked Questions

L’AI Act interdit des pratiques telles que l’utilisation d’IA pour manipuler subtilement des décisions humaines, exploiter la vulnérabilité de certaines personnes, attribuer une « note sociale », prédire une criminalité potentielle sans preuve préalable, collecter massivement des images d’identification faciale, et détecter des émotions ou catégoriser les individus par des traits sensibles dans des conditions spécifiques.
Généralement interdite, la reconnaissance faciale à distance en temps réel en public est exceptionnellement autorisée seulement pour rechercher des victimes de crimes graves, prévenir des menaces imminentes ou identifier des suspects spécifiques dans une enquête pénale, avec des précautions strictes et une autorisation préalable obligatoire de la justice ou d’une autorité administrative indépendante.
Oui, en situation d’extrême urgence, les systèmes d’identification biométrique peuvent être utilisés immédiatement, mais une demande d’autorisation doit être soumise sans retard injustifié au plus tard dans les 24 heures suivantes; si elle est refusée, il faut arrêter immédiatement l’usage du système et supprimer toutes les informations collectées à cette occasion.
L’utilisation de l’IA à des fins répressives dans les lieux publics requiert systématiquement notification, autorisation préalable motivée, évaluation de l’impact sur les droits fondamentaux et respect des limites spatiales et temporelles définies, avec obligation de rendre compte annuellement à la Commission européenne sur ces pratiques pour garantir la transparence et prévenir les abus.

Maîtrise de l’IA

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